! Je pars… sans intention d’arriver


Layadi Nacer Eddine

Dans son dernier ouvrage  ” Les fils des jours”,  Eduardo Galeano  raconte l’histoire insolite suivante: Juan Carlos Dalphus était, au début du xx siècle, le plus célèbre pilote  de voiture de marque “Ford T”  en Argentine.  On  le voyait dans son bolide  sillonnant les  routes mais a vitesse  tellement faible  que la tortue pourrait le dépasser facilement. Son voisin qui  le suivait d’un air agacé  l’interpela  un jour en ces termes: « mon cher Dalphus, à cette allure-là vous risquez de ne pas arriver à destination! » Dalphus lui rétorqua sèchement: « qui vous a dit que j’ai envie d’arriver à destination ? »

            J’ai essayé à maintes reprises d’oublier cette drôle histoire  mais en vain. Elle me revient à l’esprit chaque fois que je me trouve devant des comportements bizarres sinon incongrus. Je peux citer à titre d’exemple le fait de réduire la formation des journalistes au seul aspect éthique pour lequel on fait appel aux journalistes et experts étrangers. J’ai toujours attendu que son initiateur, avec la multiplication des cycles de formation dans les différentes wilayas du pays, y parvienne.

             Malheureusement je n’ai rien vu venir et j’ai fini par croire qu’il ne cherche nullement la formation des journalistes mais  par contre qu’il essaye seulement de ” faire rouler la machine”, à l’instar de Juan Carlos Dalphus, et de nous faire rouler avec en plus  !

             L’initiateur de cette formation a cru naïvement que les journalistes transgressent les règles d’éthique de la profession par ignorance et il a  pensé qu’il suffit de leur  faire apprendre qu’ils les mettent en œuvre. Cette vision-là considère que le journaliste est détaché de son entreprise  et perçoit qu’il évolue en dehors des conditions dans lesquelles il exerce sa profession. Certes,  certaines personnes  sont devenues journalistes sans qu’elles  ne  se soient préparées. C’est-à-dire sans avoir une formation adéquate qui leur permette d’appréhender les enjeux sociétaux et moraux du journalisme. Ces journalistes-là ont réellement un grand besoin d’être formés au  journalisme dans toutes ses dimensions et non pas  seulement éthique .

          Les organisateurs desdits cycles  de formation croient que les règles d’éthique ne sont que des ” prédications” professionnelles” que les experts étrangers peuvent  inculquer à nos journalistes! Et que le bon journaliste est celui qui les apprenne  par cœur et les applique scrupuleusement sans qu’il soit obligé de tenir en compte des intentions du média auquel il appartient et des contraintes de la profession.

             L’éthique journalistique n’est pas un concept creux, c’est une pratique assez complexe où se mêlent  le professionnel, le culturel et le philosophique. s’il y a un consensus autour du professionnel, par contre  les avis divergent sur sa dimension culturelle, philosophique et  idéologique. Certes le journalisme se distingue par un ensemble de principes déontologiques à caractère universel mais  la perception du corps, de la religion, de la mort par exemple diffère d’un système de valeurs à un autre et influe, par conséquent, sur la manière de traiter les sujets y en ayant trait.

              Les résultats de ces cycles de formation n’ont pas tardé à se manifester. Ils ont été illustrés par les journalistes eux-mêmes qui ont en bénéficié. Ces derniers ont désapprouvé le manquement à l’éthique de leurs formateurs étrangers lors de la dernière guerre sur Gaza  lesquels n’ont pas hésité à diffuser la propagande israélienne  en sacrifiant les règles déontologiques mais également  les principes professionnels.

Ce qui est plus grave avec  une telle conception de  la formation des journalistes c’est que ses prometteurs veulent,  vaille que vaille,  instaurer une éthique du journalisme sans se soucier de l’inapplication des lois qui régissent la profession et en absence du rôle régulateur de l’État et des structures d’autorégulation de la profession.

Croire à une telle démarche pour la formation des journalistes, c’est croire qu’on peut organiser la circulation routière en dehors du Code de la route, en invitant seulement les chauffeurs de véhicules à avoir une certaine éthique dans leur conduite !

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نُشر بواسطة د. نصرالدين

- د. نصر الدين لعياضي، كلية علوم الإعلام والاتصال، جامعة الجزائر - 11الجمهورية الجزائرية شارع مختار دود بن عكنون الجزائر العاصمة العنوان الإلكتروني: alayadi2014@outlook.com

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